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ANNÉE 1776. 7

Vous voyez que je passe ma vie entre vos ouvrages et ceux d’Horace ; je ne peux mieux finir ma carrière.

Mme Denis est pénétrée de l'honneur de votre souvenir, et nous le sommes tous de vos extrêmes bontés.

9753. — A M. LE BARON DE FAUGÈRES,

officier de marine.

3 mai.

Vous proposez, monsieur, qu’autour de la statue élevée à Montpellier, à Louis XIV après sa mort[1], on dresse des monuments aux grands hommes qui ont illustré son siècle en tout genre. Ce projet est d’autant plus beau que, depuis quelques années, il semble qu’on ait formé parmi nous une cabale pour rabaisser tout ce qui a fait la gloire de ces temps mémorables. On s’est lassé des chefs-d’œuvre du siècle passé. On s’efforce de rendre Louis XIV petit, et on lui reproche surtout d’avoir voulu être grand. La nation, en général, donne la préférence à Henri IV, et l’exclusion à tous les autres rois ; je n’examine pas si c’est justice ou inconstance, si notre raison perfectionnée connaît mieux le vrai mérite aujourd’hui qu’autrefois ; je remarque seulement que, du temps de Henri IV, elle ne connaissait point du tout le mérite, elle ne le sentait point.

On ne me connaît pas. disait ce bon prince au duc de Sully, on me regrettera. En effet, monsieur, ne dissimulons rien : il était haï et peu respecté. Le fanatisme, qui le persécuta dès son berceau, conspira cent fois contre sa vie, et la lui arracha enfin, au milieu de ses grands officiers, par la main d’un ancien moine feuillant, devenu fou, enragé de la rage de la Ligue. Nous lui faisons aujourd’hui amende honorable ; nous le préférons à tous les rois, quoique nous conservions encore, et pour longtemps, une grande partie des préjugés qui ont concouru à l’assassinat de ce héros.

Mais si Henri IV fut grand, son siècle ne le fut en aucun genre. Je ne parlerai pas ici de cette foule de crimes et d’infamies dont la superstition et la discorde souillèrent la France. Je m’arrête aux arts dont vous voulez éterniser la gloire. Ils étaient ou ignorés

  1. L’inscription mise au bas de la statue de Louis XIV à Montpellier n’était pas en français, comme on pourrait le croire d’après les expressions employées par Voltaire, soit ici, soit ailleurs (tome IV, page 191 et XIV, 515), mais en latin. La voici : ʟᴜᴅᴏᴠɪᴄᴏ ᴍᴀɢɴᴏ ᴄᴏᴍɪᴛɪᴀ ᴏᴄᴄɪᴛᴀɴɪᴀᴇ ɪɴᴄᴏʟᴜᴍɪ ᴠᴏᴠᴇʀᴇ ᴇx ᴏᴄᴜʟɪs sᴜʙʟᴀᴛᴏ ᴘᴏsᴜᴇʀᴇ ᴀɴɴᴏ ᴄɪᴐ ɪᴐ ᴄᴄxᴠɪɪɪ. Elle était en six lignes.