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ÉPITRE À LA DUCHESSE DU MAINE. 85

Le féroce Arminius, ce défenseur de la Germanie, proteste « qu’il vient lire son sort dans les yeux d’Isménie* » ; et vient dans le camp de Yarus pour voir si les beaux yeux de cette Isménie « daignent lui montrer leur tendresse ordinaire - ». Dans Amasis, qui n’est autre chose que la Mcrope chargée d’épisodes romanesques, une jeune héroïne, qui, depuis trois jours, a vu un moment dans une maison de campagne un jeune inconnu dont elle est éprise, s’écrie avec bienséance :

C’est ce même inconnu : pour mon repos, hélas !

Autant qu’il le devait il ne se cacha pas ;

Je le vis, j’en rougis ; mon âme en fut émue.

Et pour quelques moments qu’il s’offrit à ma vue, etc. ’.

Dans Atlicnaïs, un prince de Perse se déguise pour aller voir sa maîtresse à la cour d’un empereur romain. On croit lire enfin les romans de M^’" de Scudéri, qui peignait des bourgeois de Paris sous le nom de héros de l’antiquité.

Pour achever de fortifier la nation dans ce goût détestable, et qui nous rend ridicules aux yeux de tous les étrangers sensés, il arriva, par malheur, que M. de Longepierre, très-zélé pour l’antiquité, mais qui ne connaissait pas assez notre théâtre, et qui ne travaillait pas assez ses vers, fit représenter son Electre. Il faut avouer qu’elle était dans le goût antique : une froide et malheureuse intrigue ne défigurait pas ce sujet terrible ; la pièce était simple et sans épisode : voilà ce qui lui valait avec raison la faveur déclarée de tant de personnes de la première considération, qui espéraient qu’enfin cette simplicité précieuse, qui avait fait le mérite des grands génies d’Athènes, pourrait être bien reçue à Paris, où elle avait été si négligée.

Vous étiez, madame, aussi bien que feu M"’^ la princesse de Conti, à la tête de ceux qui se flattaient de cette espérance ; mais malheureusement les défauts de la pièce française l’empor- « •rent si fort sur les beautés qu’il avait empruntées de la Grèce, que vous avouâtes, à la représentation, que c’était une statue de l*raxitèle défigurée par un moderne. Vous eûtes le courage d’abandonner ce qui en effet n’était pas digne d’être soutenu.

I

1. Arniniins, tragôdic de Campistron, acte II, scène ii.

2. Id.. ihuL

3. Amasis. tragédie de Lagrango-Chancei, acte Ier""", scène vri.

i. Athénais, tragédie de Lagrange-Chancel, joucc en 1099, reprise en 1730.