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ÉPITRE

À SON ALTESSE SÉRÉNISSIME

MADAiME LA DUCHESSE DU MAINE.

31 AD AME,

Vous avez vu passer ce siècle admirable, à la gloire duquel vous avez tant contriJjué par votre goût et par vos exemples ; ce siècle qui sert de modèle au nôtre en tant de choses, et peut-être de reproche, comme il en ser\ira à tous les âges. C’est dans ces temps illustres que les Condé, vos aïeux S couverts de tant de lauriers, cultivaient et encourageaient les arts ; où un Bossuet immortalisait les héros, et instruisait les rois ; où un Fénelon, le second des hommes dans Téloquence-, et le premier dans l’art de rendre la vertu aimable, enseignait avec tant de charmes la justice et l’humanité ; où les Racine, les Despréaux, présidaient aux belles-lettres, Lulli à la musique, Le Brun à la peinture. Tous ces arts, madame, furent accueillis surtout dans votre palais. Je me souviendrai toujours que, presque au sortir de l’enfance, j’eus le bonheur d’y entendre quelquefois un homme dans qui l’érudition la plus profonde n’avait point éteint le génie, et qui cultiva l’esprit de monseigneur le duc de Bourgogne, ainsi que le vôtre et celui de M. le duc du Maine ; travaux heureux dans lesquels il fut si puissamment secondé par la nature. Il prenait quelquefois devant Votre Altesse Sérénissime un Sophocle, un Euripide ; il traduisait sur-le-champ en français une de leurs tragédies. L’admiration, l’enthousiasme dont il était saisi lui inspirait des expres-

1. La duchesse du Maine était fille do Henri-Jules de Condû, nommé communé- ment Monsieur le Prince.

2. Le premier était Bossuet.