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sent, n'a pu nourrir trente mille âmes : à ce compte, en prenant un soldat par dix personnes, cela ferait quinze millions sept cent mille sujets dans mon empire : celui de Babylone n’en a pas tant.

JOAB.

C’est là le miracle.

DAVID.

Ah ! que de balivernes ! Je veux savoir absolument combien j’ai de sujets ; on ne m’en fera pas accroire ; je ne crois pas que nous soyons trente mille.

UN OFFICIER.

Voilà votre chapelain ordinaire, le révérend docteur Gag, qui vient de la part du Seigneur parler à Votre Altesse royale.

DAVID.

On ne peut pas prendre plus mal son temps ; mais qu’il entre.


Scène II.

LES PERSONNAGES PRÉCÉDENTS, LE DOCTEUR GAG.
DAVID.

Que voulez-vous, docteur Gag ?

GAG.

Je viens vous dire que vous avez commis un grand péché.

DAVID.

Comment ? en quoi ? s’il vous plaît.

GAG.

En faisant faire le dénombrement du peuple.

DAVID.

Que veux-tu donc dire, fou que tu es ? Y a-t-il une opération plus sage et plus utile que de savoir le nombre de ses sujets ? Un berger n’est-il pas obligé de savoir le compte de ses moutons ?

GAG.

Tout cela est bel et bon ; mais Dieu vous donne à choisir de la famine[1], de la guerre, ou de la peste.

DAVID.

Prophète de malheur, je veux au moins que tu puisses être puni de ta belle mission : j’aurais beau faire choix de la famine,

  1. Rois, II, chap. iv.