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BETHSABÉE

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Quoi qu’il en soit, je serai votre reine, et je vous apprendrai à me respecter.

ABIGAÏL.

Moi, vous respecter, madame !

BETHSABÉE.

Oui, madame.

ABIGAÏL.

Ah ! madame, la Judée produira du froment au lieu de seigle, et on aura des chevaux au lieu d’ânes pour monter, avant que je sois réduite à cette ignominie : il appartient bien à une femme comme vous de faire l’impertinente avec moi !

BETHSABÉE.

Si je m’en croyais, une paire de soufflets…

ABIGAÏL.

Ne vous en avisez pas, madame ; j’ai le bras bon, et je vous rosserais d’une manière…


Scène II.

DAVID, BETHSABÉE, ABIGAÏL.
DAVID.

Paix là donc, paix là : êtes-vous folles, vous autres ? Il est bien question de vous quereller, quand l’horreur des horreurs est sur ma maison.

BETHSABÉE.

Quoi donc, mon cher amant ! Qu’est-il arrivé ?

ABIGAÏL.

Mon cher mari, y a-t-il quelque nouveau malheur ?

DAVID.

Voilà-t-il pas que mon fils Ammon, que vous connaissez, s’est avisé de violer sa sœur Thamar[1] et l’a ensuite chassée de sa chambre à grands coups de pied dans le cul !

ABIGAÏL.

Quoi donc ! n’est-ce que cela ? Je croyais à votre air effaré qu’il vous avait volé votre argent.

DAVID.

Ce n’est pas tout ; mon autre fils Absalon, quand il a vu cette

  1. Rois, II, chap. xiii, versets 17, 18.