Hélas, milord ! vous en disiez ce matin autant à la jeune Abigaïl.
Il est vrai, elle peut me plaire un moment ; mais vous êtes ma maîtresse de toutes les heures ; je vous donnerai des robes, des vaches, des chèvres, des moutons ; car pour de l’argent je n’en ai point encore ; mais vous en aurez quand j’en aurai volé dans mes courses sur les grands chemins, soit vers le pays des Phéniciens, soit vers Damas, soit vers Tyr. Qu’avez-vous, ma chère Bethsabée ? Vous pleurez ?
Hélas ! oui, milord.
Quelqu’une de mes femmes ou de mes concubines a-t-elle osé vous maltraiter ?
Non.
Quel est donc votre chagrin ?
Milord, je suis grosse[1] ; mon mari Urie n’a pas couché avec moi depuis un mois, et s’il s’aperçoit de ma grossesse, je crains d’être battue.
Eh ! que ne l’avez-vous fait coucher avec vous ?
Hélas ! j’ai fait ce que j’ai pu ; mais il me dit qu’il veut toujours rester auprès de vous : vous savez qu’il vous est tendrement attaché ; c’est un des meilleurs officiers de votre armée ; il veille auprès de votre personne quand les autres dorment[2] ;. il se met au-devant de vous quand les autres lâchent le pied ; s’il fait quelque bon butin, il vous l’apporte : enfin il vous préfère à moi.
Voilà une insupportable chenille : rien n’est si odieux que ces gens empressés, qui veulent toujours rendre service sans en être priés : allez, allez, je vous déferai bientôt de cet importun ; qu’on me donne une table et des tablettes pour écrire[3].