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ACTE IV, SCÈNE V. 347

FAME.

Il le peut ignorer : la voix publique entraîne ; Même en s’en défiant, on lui résiste à peine. Cet esclave, sa mort, ce billot malheureux, Le nom de Solamir, l’éclat de sa vaillance. L’offre de son hymen, l’audace de ses feux, Tout parlait contre vous, jusqu’à votre silence. Ce silence si fier, si grand, si généreux, Qui dérobait Tancrède à l’injuste vengeance De vos communs tyrans armés contre vous deux. Quels yeux pouvaient percer ce voile ténébreux ? Le préjugé l’emporte, et Ton croit l’apparence,

AMÉNAÏDE.

Lui, me croire coupable !

FAME.

Ah ! s’il peut s’abuser. Excusez un amant.

AMEXAIDE, reprenant sa fierté et ses forces.

Rien ne peut l’excuser… Quand l’univers entier m’accuserait d’un crime : ■ Sur son jugement seul un grand homme appuyé À l’univers séduit oppose son estime. Il aura donc pour moi combattu par pitié ! Cet opprobre est affreux, et j’en suis accablée. Hélas ! mourant pour lui, je mourais consolée ; Et c’est lui qui m’outrage et m’ose soupçonner ! C’en est fait ; je ne veux jamais lui pardonner ; Ses bienfaits sont toujours présents à ma pensée, Ils resteront gravés dans mon âme offensée ; IMais s’il a pu me croire indigne de sa foi, jCest lui qui pour jamais est indigne de moi. Ah ! de tous mes affronts c’est le plus grand peut-être.

FAME.

Mais il ne connaît pas…

AMÉXAÏDE.

Il devait me connaître ; Il devait respecter un cœur tel que le mien ; Il devait présumer qu’il était impossible Que jamais je trahisse un si noble lien. Ce cœur est aussi fier que son bras invincible ; Ce cœur était en tout aussi grand que le sien. Moins soupçonneux, sans doute, et surtout plus sensible.