ACTE III, SCÈNE V. 535
ARGIRE.
Vous rendez quelque vie à ce cœur abattu. Eh ! qui, pour nous défendre, entrera dans la lice ? Nous sommes en horreur, on est glacé d’effroi ; Qui daignera me tendre une main protectrice ? Je n’ose m’en flatter… Qui combattra ?
TANCRÈDE,
Qui ? moi. Moi, dis-je ; et, si le ciel seconde ma vaillance. Je demande de vous, seigneur, pour récompense. De partir à l’instant sans être retenu, Sans voir Aménaïde, et sans être connu.
ARGIRE.
Ah ! seigneur, c’est le ciel, c’est Dieu qui vous envoie. Mon cœur triste et flétri ne peut goûter de joie ; Mais je sens que j’expire avec moins de douleur. Ah ! ne puis-je savoir à qui, dans mon malheur, Je dois tant de respect et de reconnaissance ? Tout annonce à mes yeux votre haute naissance : Hélas ! qui vois-je en vous ?
TANCRÈDE.
Vous voyez un vengeur. SCÈNE V.
ORBASSAN, ARGIRE, TANCRÈDE, CHEVALIERS,
SUITE.
ORBASSAN, à Argire.
L’État est en danger, songeons à lui, seigneur. Nous prétendions demain sortir de nos murailles ; Nous sommes prévenus. Ceux qui nous ont trahis Sans doute avertissaient nos cruels ennemis. Solamir veut tenter le destin des batailles ; Nous marcherons à lui.- Vous, si vous m’en croyez, Dérobez à vos yeux un spectacle funeste, Insupportable, horrible à nos sens effrayés.
ARGIRE.
Il suffit, Orbassan ; tout l’espoir qui me reste C’est d’aller expirer au milieu des combats.
(Montrant Tancrùde.)
Ce brave chevalier y guidera mes pas :