ACTE I, SCÈNE IV. 51
AHGIUE.
Oui, l’on craint sa présence ; Et si vous l’avez vu dans les murs de Byzance, Vous savez qu’il nous hait.
AMENAI DE.
Je ne le croyais pa&. Ma mère avait pensé qu’il pouvait être encore L’appui de Syracuse et le vainqueur du Maure ; Et lorsque dans ces lieux des citoyens ingrats Pour ce fier Orbassan contre vous s’animèrent, Qu’ils ravirent vos biens, et qu’ils vous opprimèrent, Tancrède aurait pour vous affronté le trépas. C’est tout ce que j’ai su.
ARGIRE.
C’est trop, Aménaïde : Rendez-vous aux conseils d’un père qui vous guide : Conformez-vous au temps, conformez-vous aux lieux. Solamir, et Tancrède, et la cour de Byzance, Sont tous également en horreur à nos yeux. Votre bonheur dépend de votre complaisance. J’ai pendant soixante ans combattu pour l’État ^ : Je le servis injuste, et le chéris ingrat : Je dois penser ainsi jusqu’à ma dernière heure. Prenez mes sentiments, et devant que je meure, Consolez mes vieux ans dont vous faites l’espoir. Je suis prêt à finir une vie orageuse : La vôtre doit couler sous les lois du devoir ; Et je mourrai content si vous vivez heureuse.
AMÉNAÏDE.
Ah, seigneur ! croyez-moi, parlez moins de bonheur. Je ne regrette point la cour d’un empereur, Je vous ai consacré mes sentiments, ma vie ; Mais, pour en disposer, attendez quelques jours. Au crédit d’Orbassan trop d’intérêt vous lie : Ce crédit si vanté doit-il durer toujours ? Il peut tomber ; tout change, et ce héros peut-être S’est trop tôt déclaré votre gendre et mon maître.
ARGIRE.
Comment ? que dites- vous ?
1. On lit dans Zaïre, acte II, scène m :
Mon Dieu 1 j’ai combattu soixante ans pour fa gloire.
I