510 TANCRËDE.
Votre destin changea. Syracuse en alarmes
Vous remit dans vos biens, vous rendit vos honneurs^
Se reposa sur vous du destin de ses armes,
Et de ses murs sanglants repoussa ses vainqueurs.
Dans le sein paternel je me vis rappelée,
Un malheur inouï m’en avait exilée :
Peut-être j’y reviens pour un malheur nouveau.
Vos mains de mon hymen allument le flambeau.
Je sais quel intérêt, quel espoir vous anime ;
Mais de vos ennemis je me vis la victime :
Je suis enfin la vôtre ; et ce jour dangereux
Peut-être de nos jours sera le plus afTreux.
ARGIRE.
Il* sera fortuné, c’est à vous de m’en croire.
Je vous aime, ma fille, et j’aime voire gloire.
On a trop murmuré quand ce fier Solamir,
Pour le prix de la paix qu’il venait nous olTrir,
Osa me proposer de l’accepter pour gendre ;
Je vous donne au héros qui marche contre lui.
Au plus grand des guerriers armés pour nous défendre.
Autrefois mon émule, à présent notre appui.
AMÉNAÏDE.
Quel appui ! vous vantez sa superbe fortune ;
Mes vœux plus modérés la voudraient plus commune :
Je voudrais qu’un héros si fier et si puissant
N’eût point, pour s’agrandir, dépouillé l’innocent.
ARGIRE.
Du conseil, il est vrai, la prudence sévère Veut punir dans Tancrède une race étrangère :: Elle abusa longtemps de son autorité ; Elle a trop d’ennemis.
AMENAÏDE.
Seigneur, ou je m’abuse, Ou Tancrède est encore aimé dans Syracuse.
ARGIRE.
Nous rendons tous justice à son cœur indompté ; Sa valeur a, dit-on, subjugué l’Illyrie ; Mais plus il a servi sous l’aigle des Césars, Moins il doit espérer de revoir sa patrie : Il est par un décret chassé de nos remparts.
AMÉNAÏDE.
Pour jamais ! lui ? Tancrède ?