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504 TANCREDE.

Et, n’ayant pour tout droit que celui des combats,

Chasser les possesseurs, et fonder des États.

Grecs, Arabes, Français, Germains, tout nous dévore ;

Et nos champs, malheureux par leur fécondité.

Appellent l’avarice et la rapacité

Des brigands du midi, du nord, et de l’aurore.

Nous devons nous défendre ensemble et nous venger.

J’ai vu plus d’une fois Syracuse trahie ;

Maintenons notre loi, que rien ne doit changer ;

Elle condamne à perdre et l’honneur et la vie

Quiconque entretiendrait avec nos ennemis

\}n commerce secret, fatal à son pays. —^À l’infidélité l’indulgence encourage. — — On ne doit épargner ni le sexe ni l’âge.

Venise ne fonda sa fière autorité

Que sur la défiance et la sévérité :

Imitons sa sagesse en perdant les coupables.

LORÉDAN.

Quelle honte en effet, dans nos jours déplorables,

Que Solainir, un Maure, un chef de musulmans,

Dans la Sicile encore ait tant de partisans !

Que partout dans cette île et guerrière et chrétienne.

Que même parmi nous Solamir entretienne

Des sujets corrompus, vendus à ses bienfaits !

Tantôt chez les Césars occupé de nous nuire,

Tantôt dans Syracuse ayant su s’introduire.

Nous préparant la guerre et nous offrant la paix.

Et pour nous désunir soigneux de nous séduire !

Un sexe dangereux, dont les fai])les esprits

D’un peuple encor plus faible attirent les hommages,

Toujours des nouveautés et des héros épris,

À ce Maure imposant prodigua ses suffrages.

Combien de citoyens aujourd’hui prévenus

Pour ces arts séduisants que l’Arabe cultiveM

Arts trop pernicieux, dont l’éclat les captive,

A nos vrais chevaliers noblement inconnus.

Que notre art soit de vaincre, et je n’en veux point d’autre.

J’espère en ma valeur, j’attends tout de la vôtre ;

Et j’approuve surtout cette sévérité

1. En ce temps les Arabes cultivaient seuls les sciences en Occident, et ce sont eux qui fondèrent l’école de Salerne. {Note de Voltaire)