Ah ! milord, gardez qu’il ne vous voie ; il n’est venu ici que pour finir ses malheurs en vous arrachant la vie, et je ne fuyais avec lui que pour détourner cette horrible résolution.
La vôtre est plus cruelle : croyez que je ne le crains pas, et que je le ferai rentrer en lui-même. (En se retournant.) Quoi ! on n’est pas encore revenu ? Ciel ! que le mal se fait rapidement, et le bien avec lenteur !
Le voici qui vient me chercher : si vous m’aimez, ne vous montrez pas à lui, privez-vous de ma vue, épargnez-lui l’horreur de la vôtre, éloignez-vous du moins pour quelque temps.
Ah ! que c’est avec regret ! mais vous m’y forcez : je vais rentrer ; je vais prendre des armes qui pourront faire tomber les siennes de ses mains.
Scène IV.
Allons, ma chère fille, seul soutien, unique consolation de ma déplorable vie ! partons,
Malheureux père d’une infortunée ! je ne vous abandonnerai jamais : cependant daignez souffrir que je reste encore.
Quoi ! après m’avoir si fort pressé vous-même de partir ! après m’avoir offert de me suivre dans les déserts où nous allons cacher nos disgrâces ! Avez-vous changé de dessein ? Avez-vous retrouvé et perdu en si peu de temps le sentiment de la nature ?
Je n’ai point changé, j’en suis incapable… je vous suivrai… mais, encore une fois, attendez quelque temps ; accordez cette grâce à celle qui vous doit des jours si remplis d’orages ; ne me refusez pas des instants précieux.
Ils sont précieux en effet, et vous les perdez : songez-vous que nous sommes à chaque moment en danger d’être découverts, que