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LINDANE.

Je ne partirai point sans vous témoigner encore ma reconnaissance et mes regrets.

FREEPORT.

Non, non ; point de ces cérémonies-là, vous m’attendririez peut-être : je vous dis que je n’aime point… je vous verrai pourtant encore une fois ; je resterai dans la maison, je veux vous voir partir. Allons, Fabrice, aider ce bon gentilhomme de là-haut : je me sens, vous dis-je, de la bonne volonté pour cette demoiselle.



Scène III.


lord MURRAY, LINDANE, POLLY.

LORD MURRAY.

Enfin donc je goûte en liberté le charme de votre vue. Dans quelle maison vous êtes ! elle ne vous convient pas : une plus digne de vous vous attend. Quoi ! belle Lindane, vous baissez les yeux, et vous pleurez ! Quel est cet homme qui vous parlait ? vous aurait-il causé quelque chagrin ? il en porterait la peine sur l’heure.

LINDANE, en essuyant ses larmes.

Hélas ! c’est un bonhomme, un homme vertueux, qui a eu pitié de moi dans mon cruel malheur, qui ne m’a point abandonnée, qui n’a pas insulté à mes disgrâces, qui n’a point parlé ici longtemps à ma rivale en dédaignant de me voir ; qui, s’il m’avait aimée, n’aurait point passé trois jours sans m’écrire.

LORD MURRAY.

Ah ! croyez que j’aimerais mieux mourir que de mériter le moindre de vos reproches : je n’ai été absent que pour vous, je n’ai songé qu’à vous, je vous ai servie malgré vous ; si, en revenant ici, j’ai trouvé cette femme vindicative et cruelle qui voulait vous perdre, je ne me suis échappé un moment que pour prévenir ses desseins funestes. Grand Dieu ! moi, ne vous avoir pas écrit !

LINDANE.

Non.

LORD MURRAY.

Elle a, je le vois bien, intercepté mes lettres : sa méchanceté augmente encore, s’il se peut, ma tendresse ; qu’elle rappelle la