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LINDANE.

Je vous le jure avec la plus vive reconnaissance ; et si jamais la fortune…

FREEPORT.

Ah ! mon ami Fabrice, cette personne-là est très-bien née. Je serais très-aise de recevoir de vos lettres : n’allez pas y mettre de l’esprit, au moins.

FABRICE.

Mademoiselle, pardonnez ; mais je songe que vous ne pouvez partir, que vous êtes ici sous la caution de M. Freeport, et qu’il perd cinq cents guinées si vous nous quittez.

LINDANE.

Ô ciel ! autre infortune, autre humiliation : quoi ! il faudrait que je fusse enchaînée ici, et que milord… et mon père…

FREEPORT, à Fabrice.

Oh ! qu’à cela ne tienne : quoiqu’elle ait je ne sais quoi qui me touche, qu’elle parte si elle en a envie. Je me soucie de cinq cents guinées comme de rien. (Bas, à Fabrice.) Fourre-lui encore les cinq cents autres guinées dans sa valise. Allez, mademoiselle, partez quand il vous plaira : écrivez-moi, revoyez-moi, quand vous reviendrez… car j’ai conçu pour vous beaucoup d’estime et d’affection.



Scène II.


lord MURRAY, et ses gens, dans l’enfoncement ; LINDANE,
et les précédents, sur le devant.

LORD MURRAY, à ses gens.

Restez ici, vous ; vous, courez à la chancellerie, et rapportez moi le parchemin qu’on expédie, dès qu’il sera scellé. Vous, qu’on aille préparer tout dans la nouvelle maison que je viens de louer. (Il tire un papier de sa poche et le lit.) Quel bonheur d’assurer celui de Lindane !

LINDANE, à Polly.

Hélas ! en le voyant, je me sens déchirer le cœur.

FREEPORT.

Ce milord-là vient toujours mal à propos : il est si beau et si bien mis qu’il me déplaît souverainement ; mais, après tout, que cela me fait-il ? j’ai quelque affection… mais je n’aime point, moi. Adieu, mademoiselle.