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POLLY.

S’il n’avait pas été interrompu par cette détestable milady Alton…

LINDANE.

Quoi ! c’est ici même qu’il l’a vue pour me braver, après avoir été trois jours sans me voir, sans m’écrire ! Peut-on plus indignement se voir outrager ? Va, sois sûre que je m’arracherais la vie dans ce moment, si ma vie n’était pas nécessaire à mon père.

POLLY.

Mais, mademoiselle, écoutez-moi donc ; je vous jure que milord…

LINDANE.

Lui perfide ! c’est ainsi que sont faits les hommes ! Père infortuné, je ne penserai désormais qu’à vous.

POLLY.

Je vous jure que vous avez tort, que milord n’est point perfide, que c’est le plus aimable homme du monde, qu’il vous aime de tout son cœur, qu’il m’en a donné des marques.

LINDANE.

La nature doit l’emporter sur l’amour : je ne sais où je vais, je ne sais ce que je deviendrai ; mais sans doute je ne serai jamais si malheureuse que je le suis.

POLLY.

Vous n’écoutez rien : reprenez vos esprits, ma chère maîtresse ; on vous aime.

LINDANE.

Ah ! Polly, es-tu capable de me suivre ?

POLLY.

Je vous suivrai jusqu’au bout du monde : mais on vous aime, vous dis-je.

LINDANE.

Laisse-moi, ne me parle point de milord. Hélas ! quand il m’aimerait, il faudrait partir encore. Ce gentilhomme que tu as vu avec moi…

POLLY.

Eh bien ?

LINDANE.

Viens, tu apprendras tout : les larmes, les soupirs, me suffoquent. Allons tout préparer pour notre départ.


fin du quatrième acte.