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Elle voulait, monsieur, me marier.

LE COMTE

Elle ? à qui donc ?

NANINE

À votre jardinier.

LE COMTE

Le digne choix !

NANINE

Et moi, toute honteuse,
Plus qu'on ne croit peut-être malheureuse,
Moi qui repousse avec un vain effort
Des sentiments au-dessus de mon sort,
Que vos bontés avaient trop élevée,
Pour m'en punir, j'en dois être privée.


LE COMTE

Vous, vous punir ! Ah ! Nanine ! Et de quoi ?

NANINE

D'avoir osé soulever contre moi
Votre parente, autrefois ma maîtresse.
Je lui déplais ; mon seul aspect la blesse :
Elle a raison ; et j'ai près d'elle, hélas !
Un tort bien grand... qui ne finira pas.
J'ai craint ce tort ; il est peut-être extrême.
J'ai prétendu m'arracher à moi-même,
Et déchirer dans les austérités
Ce coeur trop haut, trop fier de vos bontés,
Venger sur lui sa faute involontaire.
Mais ma douleur, hélas ! La plus amère,
En perdant tout, en courant m'éclipser,
En vous fuyant, fut de vous offenser.

LE COMTE

Se détournant et se promenant,

Quels sentiments ! Et quelle âme ingénue !
En ma faveur est-elle prévenue ?
A-t-elle craint de m'aimer ? ô vertu !

NANINE

Cent fois pardon, si je vous ai déplu :
Mais permettez qu'au fond d'une retraite
J'aille cacher ma douleur inquiète,
M'entretenir en secret à jamais
De mes devoirs, de vous, de vos bienfaits.

LE COMTE

N'en parlons plus. écoutez : la baronne