Scène II.
Mademoiselle, allez dire tout à l’heure à votre maîtresse qu’il faut que je lui parle, qu’elle ne craigne rien, que je n’ai que des choses très-agréables à lui dire ; qu’il s’agit de son bonheur (avec emportement) et qu’il faut qu’elle vienne tout à l’heure, tout à l’heure : entendez-vous ? qu’elle ne craigne point, vous dis-je.
Oh, madame ! nous ne craignons rien : mais votre physionomie me fait trembler.
Nous verrons si je ne viens pas à bout de cette fille vertueuse, avec les propositions que je vais lui faire.
Que voulez-vous, madame ? Venez-vous insulter encore à ma douleur ?
Non ; je viens vous rendre heureuse. Je sais que vous n’avez rien ; je suis riche, je suis grande dame ; je vous offre un de mes châteaux sur les frontières d’Écosse, avec les terres qui en dépendent ; allez y vivre avec votre famille, si vous en avez ; mais il faut dans l’instant que vous abandonniez milord pour jamais, et qu’il ignore, toute sa vie, votre retraite.
Hélas ! madame, c’est lui qui m’abandonne ; ne soyez point jalouse d’une infortunée ; vous m’offrez en vain une retraite ; j’en trouverai sans vous une éternelle, dans laquelle je n’aurai pas au moins à rougir de vos bienfaits.
Comme vous me répondez, téméraire !
La témérité ne doit point être mon partage ; mais la fermeté doit l’être. Ma naissance vaut bien la vôtre ; mon cœur vaut peut-être mieux ; et, quant à ma fortune, elle ne dépendra jamais de personne, encore moins de ma rivale.