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On l'enlevait. Quel jour ! Quel coup mortel !
Qu'ai-je donc fait ? Pourquoi ? Par quel caprice ?
Par quelle ingrate et cruelle injustice ?
Qu'ai-je donc fait, hélas ! Que l'adorer,
Sans la contraindre, et sans me déclarer,
Sans alarmer sa timide innocence ?
Pourquoi me fuir ? Je m'y perds, plus j'y pense.


Scène III

.

LE CONTE, NANINE
LE COMTE

Belle Nanine, est-ce vous que je voi ?
Quoi ! Vous voulez vous dérober à moi !
Ah ! Répondez, expliquez-vous, de grâce.
Vous avez craint, sans doute, la menace
De la baronne ; et ces purs sentiments,
Que vos vertus m'inspirent dès longtemps,
Plus que jamais l'auront, sans doute, aigrie.
Vous n'auriez point de vous-même eu l'envie
De nous quitter, d'arracher à ces lieux
Leur seul éclat que leur prêtaient vos yeux.
Hier au soir, de pleurs toute trempée,
De ce dessein étiez-vous occupée ?
Répondez donc. Pourquoi me quittiez-vous ?


NANINE

Vous me voyez tremblante à vos genoux.

LE COMTE

La relevant,

Ah ! Parlez-moi. Je tremble plus encore.

NANINE

Madame...

LE COMTE

Eh bien ?

NANINE

Madame, que j'honore,
Pour le couvent n'a point forcé mes voeux.

LE COMTE

Ce serait vous ? Qu'entends-je ! Ah, malheureux !


NANINE

Je vous l'avoue ; oui, je l'ai conjurée
De mettre un frein à mon âme égarée...