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LADY ALTON.

Ce n’est point supposer, rien n’est posé plus vrai : elle est très-malintentionnée, puisqu’elle veut m’enlever mon amant.

FRÉLON.

Vous voyez bien que, dans un temps de trouble, une Écossaise qui se cache est une ennemie de l’État.

LADY ALTON.

Je ne le vois pas ; mais je voudrais que la chose fût.

FRÉLON.

Je ne le parierais pas, mais j’en jurerais[1].

LADY ALTON.

Et tu serais capable de l’affirmer ?

FRÉLON.

Je suis en relation avec des personnes de conséquence. Je connais fort la maîtresse du valet de chambre d’un premier commis du ministre ; je pourrais même parler aux laquais de milord votre amant, et dire que le père de cette fille, en qualité de malintentionné, l’a envoyée à Londres comme malintentionnée ; je supposerais même que le père est ici. Voyez-vous, cela pourrait avoir des suites, et on mettrait votre rivale en prison.

LADY ALTON.

Ah ! je respire ; les grandes passions veulent être servies par des gens sans scrupule ; je n’aime ni les demi-vengeances, ni les demi-fripons ; je veux que le vaisseau aille à pleines voiles, ou qu’il se brise. Tu as raison ; une Écossaise qui se cache, dans un temps où tous les gens de son pays sont suspects, est sûrement

  1. Ce bon mot avait déjà fourni à Piron le sujet d’une épigramme dialoguée, entre deux Normands :
    LE PREMIER NORMAND.
    Fable ! à d’autres ! tu veux rire.


    LE SECOND.
    Non, parbleu ! foi de chrétien

    Vrai comme je suis de Vire.

    LE PREMIER.
    En jurerais-tu ?


    LE SECOND.
    Très-bien.

    LE PREMIER.
    Encor n’en croirai-je rien,

    Qu’un louis il ne m’en coûte ;
    Le voilà : parie.

    LE SECOND.
    Écoute,
    Je te l’avouerai tout bas :

    J’en jurerais bien sans doute.
    Mais je ne parierais pas.