Ce n’est point supposer, rien n’est posé plus vrai : elle est très-malintentionnée, puisqu’elle veut m’enlever mon amant.
Vous voyez bien que, dans un temps de trouble, une Écossaise qui se cache est une ennemie de l’État.
Je ne le vois pas ; mais je voudrais que la chose fût.
Je ne le parierais pas, mais j’en jurerais[1].
Et tu serais capable de l’affirmer ?
Je suis en relation avec des personnes de conséquence. Je connais fort la maîtresse du valet de chambre d’un premier commis du ministre ; je pourrais même parler aux laquais de milord votre amant, et dire que le père de cette fille, en qualité de malintentionné, l’a envoyée à Londres comme malintentionnée ; je supposerais même que le père est ici. Voyez-vous, cela pourrait avoir des suites, et on mettrait votre rivale en prison.
Ah ! je respire ; les grandes passions veulent être servies par des gens sans scrupule ; je n’aime ni les demi-vengeances, ni les demi-fripons ; je veux que le vaisseau aille à pleines voiles, ou qu’il se brise. Tu as raison ; une Écossaise qui se cache, dans un temps où tous les gens de son pays sont suspects, est sûrement
- ↑ Ce bon mot avait déjà fourni à Piron le sujet d’une épigramme dialoguée,
entre deux Normands :
LE PREMIER NORMAND.Fable ! à d’autres ! tu veux rire.
LE SECOND.Non, parbleu ! foi de chrétien
Vrai comme je suis de Vire.
LE PREMIER.En jurerais-tu ?
LE SECOND.Très-bien.
LE PREMIER.Encor n’en croirai-je rien,
Qu’un louis il ne m’en coûte ;
Le voilà : parie.
LE SECOND.Écoute,Je te l’avouerai tout bas :
J’en jurerais bien sans doute.
Mais je ne parierais pas.