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LADY ALTON.

Connaissez-vous les grandes passions, mademoiselle ?

LINDANE.

Hélas ! madame, voilà une étrange question.

LADY ALTON.

Connaissez-vous l’amour véritable ? non pas l’amour insipide, l’amour langoureux ; mais cet amour, là, qui fait qu’on voudrait empoisonner sa rivale, tuer son amant, et se jeter ensuite par la fenêtre ?

LINDANE.

Mais c’est la rage dont vous me parlez là.

LADY ALTON.

Sachez que je n’aime point autrement, que je suis jalouse, vindicative, furieuse, implacable.

LINDANE.

Tant pis pour vous, madame.

LADY ALTON.

Répondez-moi ; milord Murray n’est-il pas venu ici quelquefois ?

LINDANE.

Que vous importe, madame ? et de quel droit venez-vous m’interroger ? Suis-je une criminelle ? êtes-vous mon juge ?

LADY ALTON.

Je suis votre partie : si milord vient encore vous voir, si vous flattez la passion de cet infidèle, tremblez : renoncez à lui ou vous êtes perdue.

LINDANE.

Vos menaces m’affermiraient dans ma passion pour lui, si j’en avais une.

LADY ALTON.

Je vois que vous l’aimez, que vous vous laissez séduire par un perfide ; je vois qu’il vous trompe, et que vous me bravez : mais sachez qu’il n’est point de vengeance à laquelle je ne me porte.

LINDANE.

Eh bien ! madame, puisqu’il est ainsi, je l’aime.

LADY ALTON.

Avant de me venger, je veux vous confondre : tenez, connaissez le traître ; voilà les lettres qu’il m’a écrites ; voilà son portrait qu’il m’a donné. (Elle le donne à Lindane.)

LINDANE.

Qu’ai-je vu, malheureuse !… Madame…