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L’ÉCOSSAISE

COMÉDIE


ACTE PREMIER.





Scène I.


(La scène représente un café et des chambres sur les ailes, de façon qu’on peut entrer de plain-pied des appartements dans le café[1].)

FABRICE, FRÉLON.
FRÉLON, dans un coin, auprès d’une table sur laquelle il y a une écritoire et du café, lisant la gazette.

Que de nouvelles affligeantes ! Des grâces répandues sur plus de vingt personnes ! aucune sur moi ! Cent guinées de gratification à un bas-officier, parce qu’il a fait son devoir ! le beau mérite ! Une pension à l’inventeur d’une machine qui ne sert qu’à soulager des ouvriers ! une à un pilote ! Des places à des gens de lettres ! et à moi, rien ! Encore, encore, et à moi, rien ! (Il jette la gazette et se promène.) Cependant je rends service à l’État ; j’écris plus de feuilles que personne ; je fais enchérir le papier… et à moi, rien ! Je voudrais me venger de tous ceux à qui on croit du mérite. Je gagne déjà quelque chose à dire du mal ; si je puis

  1. On a fait hausser et baisser une toile au théâtre de Paris, pour marquer le passage d’une chambre à une autre : la vraisemblance et la décence ont été bien mieux observées à Lyon, à Marseille, et ailleurs. Il y avait sur le théâtre un cabinet à côté du café. C’est ainsi qu’on aurait dû en user à Paris. (Note de Voltaire. 1761.) — Voltaire écrivait à d’Argental avant la première représentation : « Où est donc la difficulté de diviser en deux pièces le fond du théâtre, de pratiquer une porte dans une cloison qui avance de quatre ou cinq pieds ? L’avant-scène est alors supposée tantôt le café, tantôt la chambre de Lindane ; c’est ainsi qu’on en use dans tous les théâtres de l’Europe qui sont bien entendus. »