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À MESSIEURS LES PARISIENS.
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des Parisiens. J’ai traduit la comédie de l’Écossaise de M. Hume. Les comédiens français et les italiens voulaient la représenter : elle aurait peut-être été jouée cinq ou six fois, et voilà que M. Fréron emploie son autorité et son crédit pour empêcher ma traduction de paraître ; lui qui encourageait tant les jeunes gens, quand il était jésuite[1], les opprime aujourd’hui : il a fait une feuille entière[2] contre moi ; il commence par dire méchamment que ma traduction vient de Genève[3] pour me faire suspecter d’être hérétique.

Ensuite il appelle M. Hume, M. Home[4] ; et puis il dit que M. Hume le prêtre, auteur de cette pièce, n’est pas parent de M. Hume le philosophe. Qu’il consulte seulement le Journal encyclopédique du mois d’avril 1758, journal que je regarde comme le premier des cent soixante-treize journaux qui paraissent tous les mois en Europe, il y verra cette annonce, page 137 :

« L’auteur de Douglas est le ministre Hume, parent du fameux David Hume, si célèbre par son impiété[5]. »

Je ne sais pas si M. David Hume est impie : s’il l’est, j’en suis bien fâché, et je prie Dieu pour lui, comme je le dois ; mais il résulte que l’auteur de l’Écossaise est M. Hume le prêtre, parent de M. David Hume ; ce qu’il fallait prouver, et ce qui est très-indifférent.

J’avoue à ma honte que je l’ai cru son frère[6] ; mais qu’il soit frère ou cousin, il est toujours certain qu’il est l’auteur de l’Écossaise. Il est vrai que, dans le journal que je cite, l’Écossaise n’est pas expressément nommée ; on n’y parle que d’Agis et de Douglas : mais c’est une bagatelle.

Il est si vrai qu’il est l’auteur de l’Écossaise, que j’ai en main plusieurs de ses lettres, par lesquelles il me remercie de l’avoir

  1. Fréron avait fait, comme Voltaire, ses études au collége Louis-le-Grand ; il n’avait pas été plus que lui jésuite. (G. D.)
  2. Le compte que Fréron rend de l’Écossaise avant la représentation remplit 44 pages sur les 72 dont se composait chacun de ses cahiers ; voyez Année littéraire, 1760, tome IV, pages 73-116.
  3. Fréron le dit page 73.
  4. Cette faute n’est pas dans l’Année littéraire. (B.)
  5. Cela se lit en effet dans le Journal encyclopédique du 1er avril 1758. L’auteur de l’article était l’abbé Prévost, qui cessa, bientôt après, de travailler à ce journal. Voyez le Mercure, 1766, juillet, tome I, page 94. (B.)
  6. Dans les premières éditions (voyez page 409), la Préface qualifiait M. Hume frère de David Hume. (B.)