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La pièce était entre les mains du public. Il s’agissait de la faire représenter ; et c’est pour en obtenir la permission que l’exemple de la liberté accordée contre les philosophes était concluant. Les amis de Voltaire firent habilement valoir cet argument, et la pièce fut livrée aux comédiens, qui la répétèrent avec activité.

La Requête aux Parisiens parut la veille de la représentation, et acheva de donner à la prétendue comédie anglaise son vrai sens, et de disposer le public comme le voulait l’auteur.

Quelques modifications avaient été faites. Le personnage figurant Fréron s’appelait Wasp et non plus Frélon (Wasp est le mot anglais). Fréron, informé de ce détail, va trouver les comédiens, il les invite à conserver le nom de Frélon, et même à mettre son nom sans déguisement aucun, s’ils pensent que cela puisse contribuer au succès de la pièce. « ils étaient assez portés à m’obliger, dit-il. Apparemment qu’il n’a pas dépendu d’eux de me faire ce plaisir, et j’en suis très-fâché. Notre théâtre aurait acquis une petite liberté honnête dont on aurait tiré un grand avantage pour la perfection de l’art dramatique. »

Fréron assista à la première représentation qui eut lieu le 26 juillet ; il était au milieu de l’orchestre. « Il soutint, dit Collé dans son Journal assez bien les premières scènes ; mais M. de Malesherbes, qui était à côté de lui, le vit ensuite plusieurs fois devenir cramoisi et puis pâlir. Il avait placé sa femme au premier rang de l’amphithéâtre ; M. Marivaux m’a dit qu’elle se trouva mal. »

Le récit de cette fameuse soirée fut fait par Fréron dans l’Année littéraire, sous la date du 27 juillet, et avec ce titre : Relation d’une grande bataille. M. G. Desnoiresterres a reproduit en entier ce récit[1], qu’il est curieux de comparer avec celui que donne Voltaire dans l’avertissement ci-après.

L’Écossaise eut beaucoup de succès, elle fut suivie, avec une grande affluence de spectateurs, jusqu’à la seizième représentation ; on la joua dans toutes les provinces, et elle y reçut le même accueil qu’à Paris.



  1. Voltaire aux Délices, pages 488-492.