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MÉLITUS.

Ah ! Ah ! Contre Socrate ? Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on se plaint de lui. Qu’a-t-il fait ?

ACROS.

Je n’en sais rien.

TERPANDRE.

On dit qu’il donne de l’argent aux filles pour se marier.

ACROS.

Oui, il corrompt la jeunesse.

DRIXA.

C’est un impie : il n’a point offert de gâteaux à Cérès. Il dit qu’il y a trop d’or et trop d’argent inutiles dans les temples ; que les pauvres meurent de faim, et qu’il faut les soulager.

ACROS.

Oui, il dit que les prêtres de Cérès s’enivrent quelquefois : cela est vrai, c’est un impie.

DRIXA.

C’est un hérétique ; il nie la pluralité des dieux ; il est déiste ; il ne croit qu’un seul dieu ; c’est un athée[1].

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Oui, il est hérétique, déiste, athée.

MÉLITUS.

Voilà des accusations très graves et très vraisemblables : on m’avait déjà averti de tout ce que vous nous dites.

ANITUS.

L’état est en danger, si on laisse de telles horreurs impunies. Minerve nous ôtera son secours.

DRIXA.

Oui, Minerve, sans doute : je l’ai entendu faire des plaisanteries sur le hibou de Minerve.

MÉLITUS.

Sur le hibou de Minerve ! Ô ciel ! N’êtes-vous pas d’avis, messieurs, qu’on le mette en prison tout-à-l’heure ?

LES JUGES.

Oui, en prison, vite, en prison !

MÉLITUS.

Huissiers, amenez à l’instant Socrate en prison.

DRIXA.

Et qu’ensuite il soit brûlé sans avoir été entendu.

  1. C’est à peu près le raisonnement qui avait été fait contre Voltaire lui-même en 1758 (B.)