c’est Socrate qui nous marie aux dépens de sa fortune, qui paie ma dot, qui se prive, pour nous, de la plus grande partie de son bien. Non, nous ne le souffrirons pas; nous ne serons pas riches à ce prix : plus notre coeur est reconnaissant, plus nous devons imiter la noblesse du sien.
Je me jette à vos pieds comme elle ; je suis saisi comme elle ; nous sentons également vos bienfaits. Nous vous aimons trop, Socrate, pour en abuser. Regardez-nous comme vos enfants ; mais que vos enfants ne vous soient point à charge. Votre amitié est le plus grand des biens, c’est le seul que nous voulons. Quoi ! Vous n’êtes pas riche, et vous faites ce que les puissants de la terre ne feraient pas ! Si nous acceptions vos bienfaits, nous en serions indignes.
Levez-vous, mes enfants, vous m’attendrissez trop. Écoutez-moi : ne faut-il pas respecter les volontés des morts ? Votre père, Aglaé, que je regardais comme la moitié de moi-même, ne m’a-t-il pas ordonné de vous traiter comme ma fille ? Je lui obéis : je trahirais l’amitié et la confiance, si je faisais moins. J’ai accepté son testament, je l’exécute : le peu que je vous donne est inutile à ma vieillesse, qui est sans besoins. Enfin, si j’ai dû obéir à mon ami, vous devez obéir à votre père : c’est moi qui le suis aujourd’hui ; c’est moi qui, par ce nom sacré, vous ordonne de ne me pas accabler de douleur en me refusant. Mais retirez-vous, j’aperçois Xantippe. J’ai mes raisons pour vous conjurer de l’éviter dans ces moments.
Ah ! Que vous nous ordonnez des choses cruelles !
Scène III.
Vraiment, vous venez de faire là un beau chef-d’oeuvre ; par ma foi, mon cher mari, il faudrait vous interdire. Voyez, s’il vous plaît, que de sottises ! Je promets Aglaé au prêtre Anitus, qui a du crédit parmi les grands ; je promets Sophronime à cette grosse marchande Drixa, qui a du crédit chez le peuple ; et vous mariez vos deux étourdis ensemble pour me faire manquer à ma parole :