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Dans sa maison mettrait un trouble horrible.
Madame croit qu'il est pour moi sensible,
Que jusqu'à moi ce coeur peut s'abaisser :
Je le redoute, et n'ose le penser.
De quel courroux madame est animée !
Quoi ! L'on me hait, et je crains d'être aimée ?
Mais, moi ! Mais moi ! Je me crains encor plus ;
Mon coeur troublé de lui-même est confus.
Que devenir ? De mon état tirée,
Pour mon malheur je suis trop éclairée.
C'est un danger, c'est peut-être un grand tort
D'avoir une âme au-dessus de son sort.
Il faut partir ; j'en mourrai, mais n'importe.


Scène VII

.

LE CONTE, NANINE, Un Laquais
LE COMTE

Holà ! Quelqu'un ! Qu'on reste à cette porte.
Des sièges, vite.

Il fait la révérence à Nanine, qui lui en fait une profonde,

Asseyons-nous ici.

NANINE

Qui ? Moi, monsieur ?

LE COMTE

Oui, je le veux ainsi ;
Et je vous rends ce que votre conduite,
Votre beauté, votre vertu mérite.
Un diamant trouvé dans un désert
Est-il moins beau, moins précieux, moins cher ?
Quoi ! Vos beaux yeux semblent mouillés de larmes !
Ah ! Je le vois, jalouse de vos charmes,
Notre baronne aura, par ses aigreurs,
Par son courroux, fait répandre vos pleurs.

NANINE

Non, monsieur, non ; sa bonté respectable
Jamais pour moi ne fut si favorable ;
Et j'avouerai qu'ici tout m'attendrit.

LE COMTE

Vous me charmez : je craignais son dépit.