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Zamti pourtant respire après l'avoir bravé ;
À son épouse encore il n'est point enlevé.
On vous respecte en lui ; ce vainqueur sanguinaire
Sur les débris du monde a craint de vous déplaire.
Enfin, souvenez-vous que, dans ces mêmes lieux,
Il sentit, le premier, le pouvoir de vos yeux :
Son amour autrefois fut pur et légitime.

idamé

Arrête ; il ne l'est plus : y penser est un crime.


Scène VI.

ZAMTI, IDAMÉ, ASSÉLI.
idamé

Ah ! Dans ton infortune et dans mon désespoir,
Suis-je encor ton épouse et peux-tu me revoir ?

zamti

On le veut : du tyran tel est l'ordre funeste ;
Je dois à ses fureurs ce moment qui me reste.

idamé

On t'a dit à quel prix ce tyran daigne enfin
Sauver tes tristes jours, et ceux de l'orphelin ?

zamti

Ne parlons pas des miens, laissons notre infortune.
Un citoyen n'est rien dans la perte commune ;
Il doit s'anéantir. Idamé, souviens-toi
Que mon devoir unique est de sauver mon roi :
Nous lui devions nos jours, nos services, notre être,
Tout, jusqu'au sang d'un fils qui naquit pour son maître ;
Mais l'honneur est un bien que nous ne devons pas.
Cependant l'orphelin n'attend que le trépas ;
Mes soins l'ont enfermé dans ces asiles sombres
Où des rois ses aïeux on révère les ombres ;
La mort, si nous tardons, l'y dévore avec eux.
En vain des coréens le prince généreux
Attend ce cher dépôt que lui promit mon zèle.
Étan, de son salut ce ministre fidèle,
Étan, ainsi que moi, se voit chargé de fers.
Toi seule à l'orphelin restes dans l'univers ;