Qu’elle ne pense pas que, par de vaines plaintes,
Des soupirs affectés, et quelques larmes feintes,
Aux yeux d’un conquérant on puisse en imposer :
Les femmes de ces lieux ne peuvent m’abuser
Je n’ai que trop connu leurs larmes infidèles[1],
Et mon cœur dès longtemps s’est affermi contre elles.
Elle cherche un honneur dont dépendra son sort ;
Et vouloir me tromper, c’est demander la mort.
Voilà cette captive à vos pieds amenée.
Que vois-je ? Est-il possible ? Ô ciel ! Ô destinée !
Ne me trompé-je point ? Est-ce un songe ? Une erreur ?
C’est Idamé ! C’est elle ! Et mes sens[2]…
Scène II.
Tranchez les tristes jours d’une femme éperdue.
Vous devez vous venger, je m’y suis attendue ;
Mais, seigneur, épargnez un enfant innocent.
Rassurez-vous ; sortez de cet effroi pressant…
Ma surprise, madame, est égale à la vôtre…
Le destin qui fait tout nous trompa l’un et l’autre.
Les temps sont bien changés : mais si l’ordre des cieux
D’un habitant du nord, méprisable à vos yeux,
A fait un conquérant sous qui tremble l’Asie,
Ne craignez rien pour vous, votre empereur oublie
Les affronts qu’en ces lieux essuya Témugin.
J’immole à ma victoire, à mon trône, au destin,
Le dernier rejeton d’une race ennemie :
Le repos de l’état me demande sa vie ;