Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ô vous, à qui je rends ces services fidèles !
Ô mes rois ! Pardonnez mes larmes paternelles.

étan

Osez-vous en ces lieux gémir en liberté ?

zamti

Où porter ma douleur et ma calamité ?
Et comment désormais soutenir les approches,
Le désespoir, les cris, les éternels reproches,
Les imprécations d’une mère en fureur ?
Encor, si nous pouvions prolonger son erreur !

étan

On a ravi son fils dans sa fatale absence :
À nos cruels vainqueurs on conduit son enfance ;
Et soudain j’ai volé pour donner mes secours
Au royal orphelin dont on poursuit les jours.

zamti

Ah ! Du moins, cher Étan, si tu pouvais lui dire
Que nous avons livré l’héritier de l’empire,
Que j’ai caché mon fils, qu’il est en sûreté !
Imposons quelque temps à sa crédulité.
Hélas ! La vérité si souvent est cruelle !
On l’aime ; et les humains sont malheureux par elle[1].
Allons… ciel ! Elle-même approche de ces lieux :
La douleur et la mort sont peintes dans ses yeux.


Scène III.

ZAMTI, IDAMÉ.
idamé

Qu’ai-je vu ? Qu’a-t-on fait ? Barbare, est-il possible ?
L’avez-vous commandé ce sacrifice horrible ?

  1. L’abbé Mongault était très-vaporeux. Employé dans l’éducation du duc d’Orléans, fils du Régent, comme l’abbé Dubois l’avait été dans celle du Régent, il n’avait eu qu’une abbaye, et Dubois était devenu cardinal, premier ministre, quoique l’abbé Mongault lui fût supérieur en naissance, en esprit, en lumières et en probité. Il eut la faiblesse d’être malheureux de la destinée du cardinal, et il n’aurait pas voulu, sans doute, l’acheter au même prix. Un jour on lui demandait ce que c’était que les vapeurs dont il se plaignait : « C’est une terrible maladie, répondit-il, elle fait voir les choses telles qu’elles sont. » C’est dans ce même sens que ces vers de Zamti sont vrais. (K.)