Que les tristes humains qu’enferment nos remparts :
Ils habitent des champs, des tentes et des chars[1] ;
Ils se croiraient gênés dans cette ville immense ;
De nos arts, de nos lois la beauté les offense.
Ces brigands vont changer en d’éternels déserts
Les murs que si longtemps admira l’univers.
Le vainqueur vient sans doute armé de la vengeance.
Dans mon obscurité j’avais quelque espérance ;
Je n’en ai plus. Les cieux, à nous nuire attachés,
Ont éclairé la nuit où nous étions cachés.
Trop heureux les mortels inconnus à leur maître !
Les nôtres sont tombés : le juste ciel peut-être
Voudra pour l’orphelin signaler son pouvoir :
Veillons sur lui ; voilà notre premier devoir.
Que nous veut ce tartare ?
Ô ciel, prends ma défense !
Scène IV.
Esclaves, écoutez ; que votre obéissance
Soit l’unique réponse aux ordres de ma voix.
Il reste encore un fils du dernier de vos rois ;
C’est vous qui l’élevez : votre soin téméraire
Nourrit un ennemi dont il faut se défaire.
Je vous ordonne, au nom du vainqueur des humains,
De remettre aujourd’hui cet enfant dans mes mains :
Je vais l’attendre : allez ; qu’on m’apporte ce gage.
Pour peu que vous tardiez, le sang et le carnage
- ↑ On lit dans Horace, liv. III, ode 24 :
Campestres melius Scythæ
Quorum plaustra vagas rite trahunt domos
Vivunt, et rigidi Getæ,
Immetata quibus jugera liberas