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Scène 3

Aurélie[1], Catilina.


AURELIE.

Ah ! calmez les horreurs dont je suis poursuivie,
Cher époux, essuyez les larmes d’Aurélie.
Quel trouble, quel spectacle, et quel réveil affreux !
Je vous suis en tremblant sous ces murs ténébreux.
Ces soldats que je vois redoublent mes alarmes.
On porte en mon palais des flambeaux et des armes !
Qui peut nous menacer ? Les jours de Marius,
De Carbon, de Sylla, sont-ils donc revenus ?
De ce front si terrible éclaircissez les ombres.
Vous détournez de moi des yeux tristes et sombres.
Au nom de tant d’amour, et par ces nœuds secrets
Qui joignent nos destins, nos cœurs, nos intérêts,
Au nom de notre fils, dont l’enfance est si chère,
(Je ne vous parle point des dangers de sa mère,
Et je ne vois, hélas ! que ceux que vous courez) :
Ayez pitié du trouble où mes sens sont livrés :
Expliquez-vous.

CATILINA.

Sachez que mon nom, ma fortune,
Ma sûreté, la vôtre, et la cause commune,
Exigent ces apprêts qui causent votre effroi.
Si vous daignez m’aimer, si vous êtes à moi,
Sur ce qu’ont vu vos yeux observez le silence.
Des meilleurs citoyens j’embrasse la défense.
Vous voyez le sénat, le peuple divisés,
Une foule de rois l’un à l’autre opposés :
On se menace, on s’arme ; et, dans ces conjonctures,
Je prends un parti sage, et de justes mesures.

AURELIE.

Je le souhaite au moins. Mais me tromperiez-vous ?

  1. « J'espère que je ferai quelque chose d'Aurélie, écrivait Voltaire à d’Argental; mais je me saurai toujours bon gré de n’en avoir pas fait un personnage aussi important que le consul, Catilina et César. Elle ne peut avoir que la quatrième place. Les femmes trouveront cela bien mauvais ; mais ma pièce n'est guère française; elle est romaine. »