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PREFACE[1]


Deux motifs ont fait choisir ce sujet de tragédie, qui parait impraticable, et peu fait pour les mœurs, pour les usages, la manière de penser, et le théâtre de Paris.

On a voulu essayer encore une fois, par une tragédie sans déclaration d’amour, de détruire les reproches que toute l’Europe savante fait à la France, de ne souffrir guère au théâtre que les intrigues galantes ; et on a eu surtout pour objet de faire connaître Cicéron aux jeunes personnes qui fréquentent les spectacles.

Les grandeurs passées des Romains tiennent encore toute la terre attentive, et l’Italie moderne met une partie de sa gloire à découvrir quelques ruines de l’ancienne. On montre avec respect la maison que Cicéron occupa. Son nom est dans toutes les bouches, ses écrits dans toutes les mains. Ceux qui ignorent dans leur patrie quel chef était à la tête de ses tribunaux, il y a cinquante ans, savent en quel temps Cicéron était à la tête de Rome. Plus le dernier siècle de la république romaine a été bien connu de nous, plus ce grand homme a été admiré. Nos nations modernes, trop tard civilisées, ont eu longtemps de lui des idées vagues ou fausses. Ses ouvrages servaient à notre éducation ; mais on ne savait pas jusqu’à quel point sa personne était respectable. L’auteur était superficiellement connu ; le consul était presque ignoré. Les lumières que nous avons acquises nous ont appris à ne lui comparer aucun des hommes qui se sont mêlés du gouvernement, et qui ont prétendu à l’éloquence.

Il semble que Cicéron aurait été tout ce qu’il aurait voulu être. Il gagna une bataille dans les gorges d’Issus, où Alexandre avait vaincu les Perses, il est bien vraisemblable que s’il s’était donné

  1. Cette préface, qui est de Voltaire, fut imprimée en 1753. en tête. de l'édition de Rome sauvée. ou Catilina, qui fut donnée à la suite du Supplement au Siècle de Louis XIV. (B.)