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PRÉFACE. 9

quelquefois même tient du sublime, ne soient nécessaires pour servir ou de préparation ou de liaison et de passage au pathé- tique ; mais si ces traits naïfs et simples appartiennent même au tragique, à plus forte raison appartiennent-ils au grand comique. C’est dans ce point, où la tragédie s’abaisse et où la comédie s’élève, que ces deux arts se rencontrent et se touchent ; c’est là seulement que leurs bornes se confondent : et s’il est permis à Oreste et à Hermione de se dire :

Ah ! ne souliaitoz pas le destin de Pyrrhus ; Je vous haïrais trop. — Vous m’en aimeriez plus. Ah ! que vous me verriez d’un regard bien contraire ! Vous me voulez aimer, et je ne puis vous plaire.

Vous m’aimeriez, madame, en me voulant haïr…

Car enfin il vous hait ; son âme, ailleurs éprise,

N’a plus… — Qui vous l’a dit, seigneur, qu’il me méprise ?…

Jugez-vouâ que ma vue inspire des mépris ?

Andromriqiie, II, ii.

Si ces héros, dis-je, se sont exprimés avec cette familiarité, à combien plus forte raison le Misanthrope est-il bien reçu à dire à.sa maîtresse avec véhémence (IV, m) :

Rougissez bien plutôt, vous en avez raison, Et j’ai de surs témoins de votre trahison.

Ce n’était pas en vain que s’alarmait ma flamme.

Mais ne présumez ])as que. sans être vengé, Je souffre le dépit de me voir outragé.

C’est une trahison, c’est une perfidie Qui ne saurait trouver de trop grands châtiments. Et je puis tout permettre à mes ressentiments : Oui, oui, redoutez tout après un tel outrage : Je ne suis plus à moi : je suis tout à la rage. Percé du coup mortel dont vous m’assassinez. Mes sens par la raison ne sont plus gouvernés.

Certainement si toute la pièce du Misftnthmpc était dans ce goût, ce ne serait plus une comédie ; si Oreste et Hermione s’exprimaient toujours comme on vient de le voir, ce ne serait plus une tragédie ; nuiis après que ces deux genres si diJférents se