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114 ORESTE.

Que n’ai-je point tenté ? Que pouvais-je plus faire, Pour fléchir, pour briser ton cruel caractère ? Tendresse, châtiments, retour de mes bontés, Tes reproches sanglants souvent même écoutés, Raison, menace, amour, tout, jusqu’à la couronne, Où tu n’as d’autres droits que ceux que je te donne : J’ai prié, j’ai puni, j’ai pardonné sans fruit. Va, j’abandonne Electre au malheur qui la suit ; Va, je suis Glytemnestre, et surtout je suis reine. Le sang d’Agamemnon n’a de droit qu’à ma haine. C’est trop flatter la tienne, et, de ma faible main, Caresser le serpent qui déchire mon sein, pleure, tonne, gémis, j’y suis indifférente : Je ne verrai dans toi qu’une esclave imprudente, Flottant entre la plainte et la témérité, Sous la puissante main de son maître irrité. Je t’aimais malgré toi : l’aveu m’en est bien triste ; Je ne suis plus pour toi que la femme d’Égisthe ; Je ne suis plus ta mère ; et toi seule as rompu Ces nanids infortunés de ce cœur combattu. Ces nœuds qu’en frémissant réclamait la nature, Que ma fille déteste, et qu’il faut que j’abjure.

SCÈNE YI.

ELECTRE.

Et c’est ma mère ! ciel ! fut-il jamais pour moi. Depuis la mort d’un père, un jour plus plein d’effroi ? Hélas ! j’en ai trop dit : ce cœur, plein d’amertume, Répandait, malgré lui, le fiel qui le consume. Je m’emporte, il est vrai ; mais ne m’a-t-elle pas D’Oreste, en ses discours, annoncé le trépas ? On offre sa dépouille à sa sœur désolée ! De ces lieux tout sanglants la nature exilée, Et qui ne laisse ici qu’un nom qui fait horreur, Se renfermait pour lui tout entière en mon cœur. S’il n’est plus, si ma mère à ce point m’a trahie, À quoi bon ménager ma plus grande ennemie ? Pourquoi ? pour obtenir, de ses tristes faveurs, De ramper dans la cour de mes persécuteurs ?

I