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D’Égisthe contre vous j’ai su fléchir la haine ;
Il veut vous voir en fille, il vous donne Plistène.
Plistène est d’Épidaure attendu chaque jour.
Votre hymen est fixé pour son heureux retour.
D’un brillant avenir goûtez déjà la gloire ;
Le passé n’est plus rien, perdez-en la mémoire.

électre.

À quel oubli, grands dieux ! ose-t-on m’inviter ?
Quel horrible avenir m’ose-t-on présenter ?
Ô sort ! ô derniers coups tombés sur ma famille !
Songez-vous au héros dont Électre est la fille,
Madame ? Osez-vous bien, par un crime nouveau,
Abandonner Électre au fils de son bourreau ?
Le sang d’Agamemnon ! qui ? moi, la sœur d’Oreste !
Électre au fils d’Égisthe, au neveu de Thyeste !
Ah ! rendez-moi mes fers ; rendez-moi tout l’affront
Dont la main des tyrans a fait rougir mon front ;
Rendez-moi les horreurs de cette servitude.
Dont j’ai fait une épreuve et si longue et si rude.
L’opprobre est mon partage ; il convient à mon sort.
J’ai supporté la honte, et vu de près la mort.
Votre Égisthe cent fois m’en avait menacée ;
Mais enfin c’est par vous qu’elle m’est annoncée.
Cette mort à mes sens inspire moins d’effroi
Que les horribles vœux qu’on exige de moi.
Allez, de cet affront je vois trop bien la cause,
Je vois quels nouveaux fers un lâche me propose.
Vous n’avez plus de fils ; son assassin cruel
Craint les droits de ses sœurs au trône paternel :
Il veut forcer mes mains à seconder sa rage,
Assurer à Plistène un sanglant héritage,
Joindre un droit légitime aux droits des assassins,
Et m’unir aux forfaits par les nœuds les plus saints.
Ah ! si j’ai quelques droits, s’il est vrai qu’il les craigne.
Dans ce sang malheureux que sa main les éteigne ;
Qu’il achève, à vos yeux, de déchirer mon sein :
Et, si ce n’est assez, prêtez-lui votre main.
Frappez ; joignez Électre à son malheureux frère ;
Frappez, dis-je : à vos coups je connaîtrai ma mère.

clytemnestre.

Ingrate, c’en est trop ; et toute ma pitié
Cède enfin, dans mon cœur, à ton inimitié.