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ACTE II, SCÈNE I. 107

Il nous a tout ravi par ce cruel naufrage, Tl veut seul accomplir ses augustes desseins ; Pour ce grand sacrifice il ne veut que nos mains. Tantôt de trente rois il arme la vengeance, Tantôt trompant la terre, et frappant en silence, Il veut, en signalant son pouvoir oublié. N’armer que, la nature et la seule amitié.

ORESTE.

Avec un tel secours bannissons nos alarmes ; Je n’aurai pas besoin de plus puissantes armes. As-tu dans ces rochers qui défendent ces bords, Où nous avons pris terre après de longs efforts, As-tu caché du moins ces cendres de Plistène, Ces dépôts, ces témoins de vengeance et de haine. Cette urne qui d’Égisthe a dû tromper les yeux ?

PYLADE.

Échappée au naufrage, elle est près de ces lieux. Mes mains avec cette urne ont caché cette épée, Qui dans le sang troyen fut autrefois trempée ; Ce fer d’Agamemnon qui doit venger sa mort. Ce fer qu’on enleva, quand, par un coup du sort, Des mains des assassins ton enfance sauvée Fut, loin des yeux d’Égisthe, en Phocide élevée. L’anneau qui lui servait est encore en tes mains.

ORESTE.

Comment des dieux vengeurs accomplir les desseins ? Comment porter encore aux mânes de mon père

(En montrant l’épéa qu’il porte) :

Ce glaive qui frappa mon indigne adversaire ? Mes pas étaient comptés par les ordres du ciel : Lui-même a tout détruit : un naufrage cruel Sur ces bords ignorés nous jette à l’aventure. Quel chemin peut conduire à cette cour impure, À ce séjour de crime où j’ai reçu le jour ?

PYLADE.

Regarde ce palais, ce temple, cette tour.

Ce toml)eau, ces cyprès, ce bois sombre et sauvage ;

De deuil et de grandeur tout offre ici l’image.

Mais un mortel s’avance en ces lieux retirés,

Triste, levant au ciel des yeux désespérés ;

Il paraît dans cet âge où l’humaine prudence

Sans doute a des malheurs la longue expérience :