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Pour les compliments que vous recevez, monsieur, de toutes parts sur votre belle et instructive Histoire du maréchal de Saxe, ils ne passeront pas sitôt. Je vous supplie de me compter au nombre de ceux qui ont admiré les premiers cet ouvrage, quoique je ne sois pas militaire ; j’ai senti bientôt que vous avez fait le bréviaire des gens de guerre. Je souhaite que la France demeure longtemps en paix, et que, quand il faudra marcher en campagne, tous les officiers sachent votre livre par cœur.

J’ai l’honneur d’être, etc.

Voltaire.
9028. — À M. LE COMTE DE S***.

Je suis vieux, aveugle, et sourd. Ainsi, monsieur, je ne vois ni n’entends plus ce qu’on peut dire et faire contre moi. Votre estime me dédommage du tort que me font mes ennemis. Ces messieurs m’ont pris pour ainsi dire au maillot, et me poursuivent jusqu’à l’agonie. Vous avez raison, monsieur, de me donner des conseils si honnêtes contre les premiers mouvements de la vengeance. On n’en est pas le maître ; mais plus elle est vivement sentie, moins elle est durable, tant le moral dépend du physique de l’homme, presque toujours borné dans ses vices comme dans ses vertus. Est-ce qu’on ne peut écraser un insecte qui nous jette son venin, sans commettre le péché de la colère, si naturel et si condamnable ? Conservez, monsieur, cette aimable philosophie qui fait plaindre les méchants sans les haïr, et qui vient si poliment adoucir les tourments de ma caducité dans ma solitude. Sur les bords de mon tombeau, j’oppose à mes persécuteurs l’honneur de votre amitié. J’en mourrai plus tranquille.

9029. À M. MARIN[1].
12 janvier.

Eh bien ! où en est donc cette maudite affaire[2] dans laquelle vous ne deviez entrer pour rien du tout ?

Les deux dragons[3] ont un peu détourné les yeux du public, qui étaient fixés sur ce Beaumarchais.

On ne se soucie guère à Paris des procès qui se jugent vers le


  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. L’affaire Beaumarchais.
  3. Voyez la lettre à Florian du 6 janvier.