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pas répondre de la bonne foi des correspondants. Ce pays-ci est sans commerce. Le pape paraît avoir envie d’y protéger les arts, et de suivre dans les choses essentielles les traces et les principes de Benoît XIV. Il ne saurait mieux faire pour sa gloire et la tranquillité publique. Il y a un siècle que je n’ai reçu de vos nouvelles. On m’a envoyé une épître au roi de la Chine, pleine de fautes, et où il y a des vers heureux ; un testament que vous n’avez écrit ni dicté, et quelques brochures. Le bon goût se perd ; vos écrits le soutiennent. Puissiez-vous le guider encore longtemps ! Vous aurez regretté le président Hénault. Sa maison manquera à Paris. Les gens aimables et sociables y deviendront toujours plus rares.

Adieu, mon cher confrère ; je vous aimerai toute ma vie, sans préjudice à l’admiration qui vous est due, et dont je fais profession.

9006. — À M. DE MAUPEOU,
chancelier de france.
À Ferney, 20 décembre.

Monseigneur, je commence par vous demander pardon de ce que je vais avoir l’honneur de vous écrire.

Vous avez méprisé, avec tous les honnêtes gens du royaume, plus d’un libelle écrit par la canaille et pour la canaille. L’abbé Mignot, outragé comme vous dans ces libelles écrits probablement par quelque laquais d’un ancien parlementaire, a suivi votre exemple ; et peut-être même ni vous, monseigneur, ni lui, n’avez daigné jeter les yeux sur ces misérables écrits. Cependant il y a des calomnies qui ne laissent pas de faire quelque tort à la magistrature ; et, quand on en connaît les auteurs, quand ils mettent eux-mêmes leur nom à la tête d’une brochure, j’ose croire qu’il est permis de vous en demander la suppression.

On avait dit, dans deux libelles contre vous et contre votre parlement, que l’abbé Mignot est le petit-fils du pâtissier Mignot, dont Boileau dit, dans ses Satires, que


Dans le monde entier
Jamais empoisonneur ne sut mieux son métier.

(Sat. iii, v. 67.)

Je ne sais pas si en effet cet homme était un si mauvais cuisinier, ni même si ces vers de Boileau sont si bons ; mais je sais que mon neveu est le fils d’un correcteur des comptes, petit-fils et arrière-petit-fils de secrétaires du roi, et que sa famille, anoblie depuis plus de cent cinquante ans, établit la manufacture