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Voulez-vous bien avoir la bonté d’épargner un port de lettre à notre ami La Harpe, et… une pour M. d’Argental ? V.

P. S. On dit que ce pauvre Baculard[1] a fait une grande perte par trop de confiance. La même chose m’est arrivée. Nous autres gens de lettres, nous sommes assez sujets à ces petits inconvénients. Conservez toujours un peu d’amitié au vieux malade. V.

8985. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[2].
Novembre.

Mon cher ange, mon écrivain n’y est pas ; je n’ai ni papier ni plumes, je suis aveugle et sourd ; j’écris comme je peux. La neige couvre Ferney ; elle est dans mon corps. Je suis mort.

Voici[3] à peu près ce que veulent des dames qui font les sucrées, et qui toutes auraient épousé Massinisse. J’écrirai à Lekain, quand je pourrai. Dites un De profundis pour Syphax et pour moi.

8986. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
(Potsdam), 26 novembre.

Faut-il écrire en mauvais vers
Au dieu qui préside au Parnasse ?
C’est aux orgueilleux non experts
À s’armer d’une telle audace.
Moi, né sous un ciel de frimas,
Loin des bords fleuris de la Seine,
Vieux, cassé, sans feu, sans haleine,
Si je tentais dans mes ébats
De rimer encor pour Voltaire,
Je mériterais pour salaire
Le traitement de Marsyas.


M. Guibert m’a vu avec des yeux jeunes qui m’ont rajeuni. Mes cheveux blanchissent, ma force se dissipe, et ma chaleur s’éteint. Il n’est donné qu’à Voltaire de rajeunir. Les protégés d’Apollon sont plus favorisés que ceux de Mars. Au lieu de vingt campagnes que M. Guibert me donne libéralement, il ne m’en reste qu’une à faire : c’est celle du dernier décampement.

Dans cette situation, on ne pense pas à chercher des combats dans la Thrace et en Scythie. Soyez sûr que l’impératrice de Russie, jalouse de la gloire de sa nation, saura bien faire la paix sans secours étrangers. Vous,

  1. Qui avait aussi son rôle dans l’affaire Goezmann.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Corrections pour Sophonisbe.