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8983. — À M. LE COMTE DE MILLY.
À Ferney, 25 novembre.

Un vieux malade octogénaire reçoit la lettre dont M. le comte de Milly l’honore. Je me souviens en effet, monsieur, d’avoir fait autrefois la plaisanterie de l’Homme aux quarante écus[1]. Il ne serait pas étonnant que cette idée fût tombée aussi dans la tête de quelque autre. On dit un jour à un nommé Autreau : Voilà monsieur qui se dit l’auteur de votre pièce. — Pourquoi ne l’aurait-il pas faite ? répondit-il ; je l’ai bien faite, moi.

Si la personne dont vous me parlez, monsieur, a aussi ses quarante écus, cela fait quatre-vingts avec les miens. Il n’y a pas là de quoi aller au bout de l’année ; mais aussi il faut avoir un métier, et c’est à quoi ne pensent pas assez ceux qui n’ont point de fortune, et qui ont beaucoup de vanité.

C’est tout ce que je puis vous dire sur cette petite affaire dont vous me parlez. J’ai l’honneur d’être, etc.

Le vieux Malade de Ferney,
votre confrère à l’Académie de Lyon.
8984. — À M. MARIN[2].
À Ferney, 26 novembre.

Vraiment, non-seulement il était huguenot, mais il était prédicant, le traitre[3] ! Et il avait été reçu en cette qualité en 1745. C’était un plaisant apôtre. Je ne crois pas qu’il y ait rien dans le monde de plus bas, de plus lâche, de plus insolent, de plus fripon que cette canaille de la littérature : vous devez vous en apercevoir, mon cher ami.

Votre affaire va-t-elle son train ? Je ne la puis encore regarder comme une affaire sérieuse. Il est impossible qu’elle vous fasse le moindre tort. On débite que M. de Goezmann va être premier président en Corse. Je vous ai prié de m’en dire des nouvelles. Vous savez que je vous ai promis de ne croire que ce que vous me diriez.

Linguet est-il toujours exilé ?

  1. Tome XXI, page 305.
  2. Éditeurs, Bavoux et François.
  3. La Beaumelle.