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8979. — À M. L’ABBÉ DE VOISENON.
À Ferney, 19 novembre.

Vous étiez autrefois mon grand vicaire de Montrouge, mon très-aimable et très-cher confrère : vous êtes actuellement ministre. Vous m’avez envoyé une fort jolie patente qui me flattait de l’honneur de recevoir Mme Darnay et Mme de Chanorier. Elles ont eu la bonté de venir à Ferney ; mais, malheureusement pour moi, dans le temps que j’avais une fièvre très-violente. Mme Denis leur a fait les honneurs de la chaumière le mieux qu’elle a pu. Je suis inconsolable de n’avoir pu faire ma cour à ces deux dames, qui méritent tous mes hommages, puisque vous êtes leur ami.

Il y avait dans votre lettre de très-jolis vers pour monsieur le contrôleur général ; mais ils étaient en trop petit nombre. Je vous envoie en revanche une longue rapsodie[1] qui ne regarde que le ministre de la guerre. Je fis cette sottise il y a environ quinze jours, après avoir eu chez moi M. de Guibert et le Connetable de Bourbon. J’étais dans un des intervalles que me laissent quelquefois mes souffrances habituelles. Vous savez ce que c’est, mon cher confrère, que de faire des vers en sortant de l’agonie ; mais vous étiez jeune, et votre muse aussi ; les Grâces vous accompagnaient avant et après l’extrême-onction. Vous ferez de meilleurs vers que moi quand vous aurez quatre-vingts ans. En attendant, voici les miens ; vous y trouverez de la vérité, si vous n’y trouvez pas de poésie.

Madame votre sœur m’avait flatté que j’aurais l’honneur de voir chez moi monsieur votre neveu ; mes espérances ont été trompées : j’en suis encore plus fâché que de ma triste aventure avec Mme Darnay et son amie.

Adieu, mon illustre confrère ; portez-vous mieux que moi, et vivez encore plus longtemps.

Le vieur Malade.
8980. — À M. MARIN[2].
19 novembre.

J’ai retrouvé les cornes du Taureau ; mais je n’ai pu retrouver encore sa queue. Je suis dans mon lit depuis près de quinze

  1. La Tactique ; voyez cette satire, tome X.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.