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voulu vous amuser qu’un moment, et que je vous envoie ma Tactique avant de l’envoyer à M. de Guibert lui-même.

Je vous prie de vouloir bien, madame, me mander des nouvelles de la santé de Mme de La Vallière. Il est bien juste que la vôtre soit bonne. La nature vous a fait assez de mal pour qu’elle vous laisse en repos. Elle me persécute horriblement, mais je tiens bon.

8976. — À M. LE MARQUIS DE CONDORCET.
16 novembre.

Je ne sais quelles nouvelles à la main, monsieur, m’avaient donné des alarmes sur une de vos amies. Je vois que je me suis trompé. À l’égard de Brama, ou du Chang-Ti, ou d’Oromase, ou d’Isis, je ne crois pas encore me tromper tout à fait. Il faut les admettre quand on a affaire avec des fripons, et crier plus haut qu’eux.

De plus, il m’est évident qu’il y a de l’intelligence dans la nature, et que les lois imposées aux planètes, à la lumière, aux animaux, et aux végétaux, ne sont pas inventées par un sot.


Mens agitat molem.

(Virg., Æneid., lib. VI, v. 727.)


Ce sont les Sabotiers qui sont sots et méchants ; mais je crois la nature bonne et sage ; il est vrai qu’elle fait quelquefois des pas de clerc, mais je ne la crois ni impeccable ni infinie. Je pense que son intelligence a tout fait pour le mieux, et que dans ce mieux il y a encore bien du mal. Tout cela est une affaire de métaphysique qui n’a rien à faire avec la morale, et qui n’empêche pas que les Véron, les Clément, les Sabatier, etc., ne soient la plus méprisable canaille de Paris.

Comme je sais que vos mathématiques ne vous empêchent point de cultiver les belles-lettres, permettez-moi de vous demander si vous avez lu le Connétable de Bourbon, de M. de Guibert. Sa Tactique n’est pas un ouvrage de belles-lettres, mais elle m’a paru un ouvrage de génie. Il y a une autre sorte de génie dans le Connétable. Je ne sais si notre frivole Paris est digne de deux ouvrages excellents qui parurent l’année passée : c’est la Tactique, et la Félicité publique. Je ne me connais ni à l’un ni à l’autre de ces sujets, mais je voudrais que ceux qui sont à la