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CORRESPONDANCE.

Quant à l’énorme et ridicule fatras imprimé à Lausanne, dont j’ai envoyé une vingtaine de volumes à M. Bertrand, je lui demande bien pardon de la faiblesse que j’ai eue de faire cette sottise. Je ne savais pas ce que contenaient tous ces livres, qu’on imprime à Lausanne et à Genève sans m’en donner le moindre avis.

Il y a mille fadaises qui ne sont pas de moi, et celles qui en sont méritent encore plus que les autres d’être jetées au feu. C’est le parti que je prends souvent, quand je rencontre par hasard un de ces volumes qu’on imprime sans me consulter. Je ressemble aux vieilles catins dont on débite l’histoire amoureuse ; si elles ont eu quelques amants dans leur jeunesse, on leur en donne mille.

Le vieux malade fait infiniment plus de cas des connaissances utiles de M. Bertrand, et surtout de sa conversation, que de toutes les rapsodies qu’on appelle belles-lettres. Il conservera pour lui, jusqu’au dernier moment de sa vie, la plus sincère estime et la plus tendre amitié.

8962. — À M. MARIN[1].
25 octobre.

Je vous avoue, mon cher monsieur, que je n’avais pas pensé qu’un service d’ami pût avoir des conséquences si désagréables. Il me paraît que l’affaire de Mme Goezmann et de M. de Beaumarchais ne devait vous compromettre en aucune façon, ni vous ni M. d’Arnaud. Voilà la première fois qu’on a été inquiété pour avoir voulu apaiser une querelle et étouffer un procès.

Je pense que rien n’est plus étranger à ce procès que les deux incidents qu’on appelle épisodes. Le véritable fond de l’affaire est précisément ce qu’on ne dit pas dans les mémoires, ce qu’on fait soupçonner à tout le public, et ce qui ne regarde nullement, à mon gré, ni vous ni M. d’Arnaud.

Je trouve que M. de Beaumarchais pouvait se passer de vous compromettre tous deux.

Je suis très-affligé de cette tracasserie qu’on vous fait de gaieté de cœur. J’en suis fâché pour Lépine, qui me paraît un honnête homme, et qui est fort utile aux manufactures de montres que j’ai établies à Ferney. Il m’a paru sage, laborieux et pacifique. S’il pouvait contribuer à étouffer cette affaire, je crois que ce serait une très-bonne action.

Je vous prie de ne me laisser rien ignorer de toute cette

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.