Je voudrais surtout qu’une bonne santé vous rendit la vie supportable, si mes ouvrages ne le sont pas. Ma santé est horrible ; et, quand j’écris, ce n’est qu’au milieu des souffrances. Soyez bien sûre, madame, que mes maux ne dérobent rien aux sentiments qui m’attachent à vous jusqu’au dernier moment de ma vie.
L’octogénaire de Ferney, monsieur, tout malade et tout languissant qu’il est, n’en est pas moins sensible à vos beaux vers, à votre jolie lettre, et à toutes les choses flatteuses que vous voulez bien me dire. Je vois que vous joignez la philosophie aux grâces : vous êtes du petit nombre des élus, et il faut laisser crier ceux qui ne sont ni philosophes ni aimables ; ce sont là les véritables damnés. Si mon triste état me le permettait, je vous en dirais davantage. Prêt à quitter la vie, je ne puis que vous exhorter à cultiver les arts qui la rendent agréable.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Voici le fait, mon cher ange. Il y a longtemps que je donnai à M. de Garville un petit paquet pour vous, dans lequel il y avait aussi quelque chose pour M. de Thibouville, et principalement des exemplaires de ces Lettres[1] pour M. de Morangiés, lesquelles sont devenues très-inutiles. M. de Garville m’avait dit qu’il partait pour Paris, et en effet il monta dans son carrosse en sortant de souper à Ferney. Mais j’apprends aujourd’hui qu’au lieu de retourner à Paris il est allé se réjouir dans une maison de campagne, avec mes inutiles paquets. Il y avait, autant qu’il m’en souvient, du Lally[2] et du Minos. Cela vous parviendra peut-être à Noël. Ce M. de Garville est un philosophe instruit et aimable,