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CORRESPONDANCE.

dans toutes ces fêtes, est d’éviter la fadeur de l’épithalame. Je devrais éviter la fadeur des longues et ennuyeuses lettres ; mais la consolation de m’entretenir avec mon héros, et de lui renouveler mon tendre respect, m’emporte toujours trop loin.

8888. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
19 juillet.

J’ai attendu longtemps, mon cher ange, que cette édition de la Sophonisbe de Mairet fût finie, pour vous l’envoyer ; et actuellement qu’elle est faite, je ne vous l’envoie pas. En voici la raison : le maître des jeux veut qu’on ne l’envoie qu’à lui seul ; il me dénonce expressément cette volonté despotique ; et, si je suis réfractaire, la pièce ne sera pas jouée. Cela est fort plaisant, et si plaisant que vous tâcherez de n’en rien savoir.

Il ne sera pas moins plaisant que vous lui disiez, quand vous le verrez, que j’ai refusé de vous donner l’ouvrage, et qu’il faut une lettre de cachet de sa part pour que vous l’ayez en votre possession, comme lorsque le roi fit saisir à Versailles toutes les Encyclopédies, et ne les rendit qu’aux gens qui avaient une bonne réputation.

J’aurais dû commencer par vous remercier de votre négociation génoise ; mais l’aventure de Sophonisbe m’a paru si drôle que je lui ai donné la préférence.

M. de Spinola se trompe ou veut tromper sur une chose qui n’en vaut pas la peine. Le marquis Vial ou Viale est marchand et banqueroutier en son propre nom de marquis. C’est lui qui écrivit à mes artistes, c’est lui seul qui se chargea des effets à lui seul envoyés ; et, s’il a fait banqueroute avec quelques associés, il en est seul la véritable cause. M. de Spinola s’est encore trompé en vous disant que le marquis ne s’était point absenté ; le marquis est à Naples, et c’est notre ministre à Gènes qui me mande tout cela. C’est une affaire dans laquelle on ne peut agir ni par conciliation, ni par la voie de l’autorité ; on ne peut y employer que la vertu de la résignation. J’exhorte à présent mes pauvres artistes à la patience, et je tache de profiter moi-même de mon sermon dans plus d’une affaire. Ceux qui disent que la patience n’est que la vertu des ânes ont grand tort ; elle doit être, surtout à présent, la vertu des philosophes et de ceux qui aiment les bons vers.

Vous savez que nous avons à présent à Lausanne la moitié de