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CORRESPONDANCE.

pide dans nos cantons : mais dans votre pays, et dans l’Espagne, et dans l’Italie, les gens vous répondent : Nous avons cent mille écus de rente et des honneurs, nous ne voulons pas les perdre pour vous faire plaisir : nous sommes de votre avis : mais nous vous ferons brûler à la première occasion, pour vous apprendre à dire votre avis.

Adieu encore une fois, mon cher ami.

8868. — À M. LE CHEVALIER HAMILTON,
ambassadeur a naples[1].
À Ferney, 17 juin.

Monsieur, le public vous a l’obligation de connaître le Vésuve et l’Etna beaucoup mieux qu’ils ne furent connus du temps des cyclopes, et ensuite de celui de Pline. Les montagnes que vous avez vues de mes fenêtres à Ferney sont d’un goût tout opposé. Votre Vésuve et votre Etna sont pleins de caprices : ils ressemblent aux petits hommes trop vifs, qui se mettent souvent en colère sans raison ; mais nos montagnes de glaciers, qui sont dix fois plus hautes et quarante fois plus étendues, ont toujours le même visage, et sont dans un calme éternel. Des lacs toujours glacés, de six milles de longueur, sont établis dans la moyenne région de l’air, entre des rochers blancs, au-dessus des nuages et du tonnerre, sans qu’il y ait eu de l’altération depuis des milliers de siècles.

Il n’y a pas bien loin de la fournaise où vous êtes aux glaciers de la Suisse ; et cependant quelle énorme différence entre les terrains, entre les hommes, entre les gouvernements, entre Calvin et San Gennaro[2] !

J’ai vu avec douleur que vous n’avez pu faire rajuster un thermomètre en Sicile. Que dirait Archimède, s’il revenait à Syracuse ? mais que diraient les Trajan et les Antonins, s’ils revenaient à Rome ?

Je trouve tout simple que les éruptions des volcans produisent des monticules ; ceux que les fourmis élèvent dans nos jardins sont bien plus étonnants. Ces petites montagnes, formées en huit jours par des insectes, ont deux ou trois cents fois

  1. William Hamilton, né en 1730, mort en 1803, avait fait imprimer à Londres des Observations sur le mont Vésuve, le mont Etna et d’autres volcans, 1772, in-8o ; voyez tome XXI, page 588.
  2. Saint Janvier.