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CORRESPONDANCE.

Voici une lettre à M. Pigalle ; elle se sent un peu de ma maladie, mais aussi elle n’a point de prétention.

Adieu, mon très-cher confrère ; ma grande prétention est à votre amitié.

Présentez, je vous prie, mes regrets à Mlle Clairon.

8797. — À M. LE CHEVALIER DU COUDRAY[1].

Pardonnez, monsieur, à un vieillard décrépit et malade, si du fond de ses abîmes de neiges il ne vous a pas remercié plus tôt de l’honneur que vous lui avez fait. J’ai de bien plus grandes grâces à vous rendre ; c’est de mon plaisir. Tout ce que vous dites est naturel et vrai. Je suis de l’avis de Boileau[2] :


Le vrai seul est aimable.


Peut-être quelques gens d’un goût difficile vous reprocheront quelquefois de ne vous être pas assez servi de la lime ; mais je trouve que cette aisance sied très-bien à un mousquetaire.

Quant au luxe[3] dont vous parlez, vous faites très-bien de déclamer contre lui, et d’en avoir un peu chez vous ; le luxe est une fort bonne chose quand il ne va pas jusqu’au ridicule. Il est comme tous les autres plaisirs, il faut les goûter avec quelque sobriété pour en bien jouir. Vous savez tout cela mieux que moi, et vous en faites un bien meilleur usage. Je suis sur le bord de mon tombeau ; c’est de là que je vous souhaite des jours remplis de gaieté.

J’ai l’honneur d’être, etc.

Le vieux Malade de Ferney.
8798. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
À Ferney, mars.

Mon cher Christin m’a montré, monsieur, la lettre que vous lui avez écrite ; vous lui avez fait une belle peur, et à moi encore davantage. Je ne serais pas étonné qu’en effet il y eût de ces incidents singuliers dans les mauvaises pièces qu’on joue aujourd’hui sur votre théâtre. Vous dites à Christin que vous m’avez

  1. Alexandre-Jacques, chevalier du Coudray, né à Paris en 1744.
  2. Épître au marquis de Seignelay, vers 42.
  3. Du Coudray venait de publier le Luxe, poëme en six chants, 1773, in-8o.