Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
596
CORRESPONDANCE.

des Lois de Minos, de supprimer ce que j’ai fait de plus passable, et de défigurer le reste par des vers à la Crébillon. Ce polisson a vendu secrètement la pièce à un libraire affamé, nommé Valade, qui la vend hardiment sous mon nom, sans approbation, sans privilège, et peut-être avec une espèce de permission tacite donnée, pour de l’argent, par un censeur de livres. Si cet infâme brigandage est autorisé dans Paris, il faut s’enfuir en Amérique. Tout ce qui se passe dans vos différents tripots est à peu près de même parure ; mais je ne m’intéresse qu’à ce qui s’appelle humanioræ litteræ, qui sont devenues inhumanæ litteræ. Dieu vous préserve, monsieur votre frère et vous, des brigands qui infestent les cafés, le parterre, le Parnasse, et les b… de toute espèce !

Adieu ; quoi qu’on en dise, Lulli sera toujours pour moi le dieu et le seul dieu de la déclamation. Je vous embrasse tendrement ; Mme Denis vous fait mille compliments.

8755. — À M. MARMONTEL[1].
1er février.

Mon cher ami, il me semble que vos bontés pour moi et celles de vos amis aient aigri encore la canaille de la littérature. Je ne sais quel fripon faisant des vers a pu attraper une copie très-informe des Lois de Minos, et, y ayant ajouté beaucoup de traits de sa façon, a vendu le tout à un autre fripon de libraire nommé Valade, qui débite impudemment cette édition sans approbation ni privilège, malgré toutes les lois de la Crète et de Paris. On me regarde comme un homme mort, dont on vend les habits à la friperie, après les avoir gâtés.

J’ignore si M. de Sartines souffrira ce brigandage. Fréron va bien triompher, et la racaille va bien se déchaîner. Les honnêtes gens ne sauront rien de la vérité ; votre vieil ami sera conspué : il ne s’en soucie que très-médiocrement ; mais c’est de votre amitié et de votre estime qu’il se soucie beaucoup.

Je présente mes hommages à l’héroïne de la tragédie[2] avec qui vous avez le bonheur de demeurer.

Je vous embrasse tous deux à la fois de tout mon cœur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Mlle Clairon.