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CORRESPONDANCE.

N’y a-t-il pas une place vacante à l’Académie, et ne l’aurez-vous point ? car les arrêts du conseil passent[1], et le mérite reste. Je ne suis pas plus pour les gravures que vous. Ce que j’aime du beau Virgile d’Angleterre, c’est qu’il n’y a point d’estampes. Ne faisiez-vous pas une tragédie ? mais faites donc des actrices. On dit qu’il n’en reste plus que la moitié d’une.

J’aime tout à fait un élan qui expire sous une combinaison[2] ; cela m’enchante. J’avais autrefois un père qui était grondeur comme Grichard[3] ; un jour, après avoir horriblement et très mal à propos grondé son jardinier, et après l’avoir presque battu, il lui dit : « Va-t’en, coquin ; je souhaite que tu trouves un maître aussi patient que moi ; » je menai mon père au Grondeur ; je priai l’acteur d’ajouter ces propres paroles à son rôle, et mon bon homme de père se corrigea un peu.

Faites-en autant aux Précieuses ridicules, faites ajouter l’élan de la combinaison ; menez-y l’auteur, quel qu’il soit, et tâchez de le corriger.

Le vieux malade vous embrasse de tout son cœur.

8467. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
Ferney, 28 janvier.

Voici, monseigneur, une affaire qui est de la compétence d’un archevêque, d’un cardinal, et d’un ambassadeur. Il s’agit d’acquérir une jolie sujette au roi, et d’empêcher un ancien officier du roi de se damner.

Je ne sais si Florian a l’honneur d’être connu de Votre Éminence ; il dit qu’il a celui d’être allié de votre maison. Il a ci-devant épousé une de mes nièces[4], et, après la mort de sa femme, il est venu passer quelques mois dans mon ermitage. Lucrèce-Angélique a essuyé ses larmes ; tous deux, et moi troisième, nous demandons votre protection ; sans quoi Philippe et Lucrèce sont exposés à des péchés mortels qui font trembler.

Moi, qui ne peux plus faire de péchés mortels, je m’intéresse

  1. L’Éloge de Fenelon, par La Harpe, avait été supprimé par un arrêt du conseil ; voyez lettre 8381.
  2. Je croyais ces expressions dans les discours prononcés à l’Académie française le 9 janvier 1772, pour la réception de de Belloy ; mais je ne les y ai pas trouvées. (B.)
  3. Personnage du Grondeur, comédie de Brueys et Palaprat.
  4. Voyez tome XXXIV, page 340.