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année 1772.

fois, et je vous le dis aujourd’hui pour la dernière, qu’il n’y a que vous que je peux lire. Envoyez-moi donc généralement tout ce que vous faites. Je ne sais pas si j’aime Horace ; mais je sais que je vous aime sous quelque forme que vous puissiez prendre, sur quelque sujet que vous puissiez traiter. Pourquoi n’ai-je pas les Lois de Minos ? Il en court des extraits qui m’ont fait grand plaisir.

Moquez-vous de vos envieux, leur rage ne vous fait point de tort, et vous savez la leur faire tourner contre eux-mêmes ; vous en avez déjà tué trois ou quatre.

Venez ici, mon cher Voltaire ; que j’aurais de plaisir à vous embrasser ! Mais, mon Dieu ! pourquoi n’y a-t-il pas de champs Élysées ? Pourquoi avons-nous perdu cette chimère ? Adieu.

8648. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
16 octobre.

Sire, la médaille[1] est belle, bien frappée, la légende noble et simple ; mais surtout la carte que la Prusse jadis polonaise présente à son maître fait un très-bel effet. Je remercie bien fort Votre Majesté de ce bijou du Nord ; il n’y en a pas à présent de pareils dans le Midi.


La Paix a bien raison de dire aux Palatins :
Ouvrez les yeux, le diable vous attrape ;
Car vous avez à vos puissants voisins,
Sans y penser, longtemps servi la nappe.
Vous voudrez donc bien trouver bel et beau
Que ces voisins partagent le gâteau.


C’est assurément le vrai gâteau des rois, et la fève a été coupée en trois parts[2]. Mais la Paix ne s’est-elle pas un peu trompée ? J’entends dire de tous côtés que cette Paix n’a pu venir à bout de réconcilier Catherine II et Moustapha, et que les hostilités ont recommencé depuis deux mois. On prétend que, parmi ces Français si babillards, il s’en trouve qui ne disent mot, et qui n’en agissent pas moins sous terre.

On dit que les mêmes gens qui gardent Avignon[3] au saint-père ont un grand crédit dans le sérail de Constantinople. Si la chose

  1. Celle que Frédéric avait envoyée à Voltaire le 16 septembre ; voyez lettre 8629.
  2. Le premier partage de la Pologne entre la Russie, la Prusse et l’Autriche, est du 5 août 1772.
  3. La cour de France.